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  • Macron, Attal, Le Maire, Darmanin… En coulisses, des relations plus “exécrables” que jamais

    Laureline Dupont; Eric Mandonnet

    Les derniers jours de campagne ont dégradé encore un peu plus les relations au sommet de l’Etat. Récit.

    Le moment restera comme l’une des séquences les plus surréalistes du quinquennat. Mercredi, devant des membres du gouvernement inquiets autant que mutiques, Gérald Darmanin présente sa communication sur “la préparation de la saison des feux de forêts”. Le ministre de l’Intérieur n’est pas le dernier à mesurer le côté cocasse de l’instant. Oui, il y a le feu. La maison brûle, la maison macroniste, et ils ne regardent pas ailleurs.

    Là, sous leurs yeux, deux hommes ne se supportent plus. C’est embêtant, l’un est président de la République, l’autre est Premier ministre. “C’est physique : on voit quand les mots deviennent très creux que leurs relations sont très dégradées, exécrables même”, raconte un présent. Pour en avoir le coeur net, un ministre a même sondé le premier des collaborateurs de Gabriel Attal. Pourquoi donc le lien avec Emmanuel Macron s’est-il tant distendu? Réponse du tac au tac : “C’est normal, quand on vous écrase avec un bus, on ne dit pas merci.” Mais que les âmes sensibles se rassurent : entre les deux têtes de l’exécutif, l’histoire était déjà finie. Finie avant même d’avoir commencé. “Ça a duré une semaine. Dès le discours de politique générale d’Attal, Macron a considéré que ce n’était pas au niveau”, rapporte une mauvaise langue. Rectification d’une autre : “Du jour où il l’a nommé, il s’est mis à le détester. Trop jeune, trop populaire, trop faraud.”

    Mercredi, Gérald Darmanin a donc parlé. Deux jours plus tôt, il n’était pas bavard, mis en ballottage la veille au premier tour dans sa circonscription du Nord. Ce n’est pas un conseil des ministres : si Emmanuel Macron a réuni les membres du gouvernement, ce n’est pas vraiment pour leur demander leurs conseils, ce n’est pas le genre de la maison. Juste faire semblant. Très vite, le ministre de l’Intérieur indique qu’il n’a pas envie de s’exprimer. Un peu plus tard, la ministre chargée des Entreprises et du Tourisme, Olivia Grégoire, lui fait signe d’intervenir, il se tait. “Ça ne s’est pas si mal passé”, insiste le président. S’il le dit… Emmanuel Macron tient peut-être les comptes, il les règle surtout. “J’entends déjà ceux qui veulent désunir la majorité” : le voilà qui vise Edouard Philippe, qui a déclaré que le président avait “tué la majorité présidentielle”. Une balle? Deux balles. “Beaucoup trop de membres de la majorité pensent à 2027. Ils n’y seront pas. Toute forme de désunion est une forme d’effacement” : le chef de l’Etat arrose large.

    L’ancien Premier ministre n’est pas autour de la table, c’est l’un de ses proches, Christophe Béchu, qui prend donc sa défense. “J’entends ce que vous dites, assure le ministre de la Transition écologique. Mais moi, il y a des positions que je ne peux pas assumer, je ne peux pas ne pas tenir un discours clair vis-à-vis de LFI.”

    Bruno Le Maire compte les heures

    C’est le sujet qui a mis le feu aux poudres. Evoqué le lundi, évoqué le mercredi, mais en parler ne fait pas évoluer les esprits. Mercredi, le président a tenté de redresser un peu la position macroniste que les contorsions des dernières heures ont rendue sinon illisible, en tout cas inacceptable pour certains : des désistements aujourd’hui, oui, une alliance gouvernementale demain, non. “C’est bien, on soutient des gens de gauche dans des circonscriptions de droite qui se font élire par des gens de droite pour mener une politique de gauche”, a gloussé un participant.

    Quand il rentre à son ministère après le conseil des ministres, Bruno Le Maire préfère en rire, de peur d’en pleurer : “J’ai compris qu’on était pour LFI au moment du vote, mais contre au moment de la coalition.” En réalité, il est vent debout. “Les Français comprennent qu’on fait tout ça par calcul. On apporte aux extrêmes la réponse par les extrêmes. C’est une faute politique qui va se payer dans les urnes. On appelle à voter pour un parti qui dit qu’un policier mort, c’est un électeur RN en moins?”

    A Bercy, les cartons sont déjà ouverts à tous les étages. Partir, vite, le plus tôt possible. Le cabinet a regardé juridiquement comment éviter que les choses s’éternisent. Surtout si Jordan Bardella ne va pas à Matignon et qu’il faut tenter de monter un gouvernement de bric et de broc avec la gauche. Horresco referens, “le premier prix à payer, ce sera une hausse d’impôts”. Bruno Le Maire, sept ans un mois et dix-sept jours aux Finances, record depuis Giscard, compte maintenant les heures : “Le plus tôt je serai parti, le mieux je me porte.” Il vient de recevoir un SMS du président du Medef, Patrick Martin, ulcéré de voir le gouvernement commencer à défaire ce qu’il avait fait, la réforme de l’assurance-chômage.

    Macron maudit par les siens

    Il y a une semaine, en conseil des ministres, Emmanuel Macron se prenait encore pour Johnny, ou pour Sarkozy, les deux ont le même répertoire. “Ce qui compte le plus, c’est l’envie.” Son propos a ulcéré certains présents, pas complètement convaincus que ceux qui mourront sur le champ de bataille le doivent à leur manque d’“envie”. Combien sont-ils aujourd’hui dans la future ex-majorité présidentielle à maudire le chef de l’Etat? Ou plutôt, pour aller plus vite, combien sont-ils à ne pas le maudire? Yaël Braun-Pivet, qui s’est battue pour tenter d’inverser le cours de l’histoire et éviter la dissolution, a prévenu : “Ceux qui seront réélus seront des survivants du macronisme. Si une coalition réussit à se constituer, le président sera sur la Défense et les Affaires étrangères, et qu’il y reste.”

    Emmanuel Macron sur une étagère, ou dans la corbeille? Les macronistes d’hier ne savent plus quoi faire de Macron demain. “Il me fait penser à Tony Blair, dit l’un des ministres parmi les plus éminents. Il a été la star de l’Europe et il a tout perdu sur la guerre en Irak. J’ai peur que le président ait tout perdu au regard de l’histoire avec la dissolution.”

    Emmanuel Macron et la pensée magique, la fin. “Il était convaincu, il me l’a dit, que dans son geste, les Français verraient ‘l’audace et le courage d’un président décidément pas comme les autres’”, raconte un ténor de la majorité. Et à l’arrivée… “Le garant de l’unité nationale a failli dans sa dimension essentielle, on n’a jamais été aussi divisé, on ne peut même plus se parler”, constate un ministre. Dimanche soir, les uns et les autres réussiront-ils à tourner la page sans la déchirer complètement?